mardi 15 février 2011

From Russia with love


Je suis venue en France pour la première fois en 1991. J'ai tout de suite été confrontée à un phénomène dépassant largement mon imagination. J'ai été confrontée au mythe de la femme russe. La femme russe, cette créature mystérieuse, imaginée tantôt comme une séductrice longiligne aux cheveux blonds, tantôt comme un gros tas difforme au visage aussi fin qu'une pomme de terre, tantôt comme une épouse idéale, tantôt comme une golddigger sans scrupules etc. Moi, qui croyait sincèrement être une femme comme les autres (je le crois toujours d'ailleurs), je traîne depuis des années cette ombre légendaire de la femme russe. Il faut dire que dans l'inconscient collectif la femme russe a une place bien définie à l'instar de latin lover ou de Parisienne. Mais contrairement à ces deux dernières catégories, le stéréotype de la femme russe évolue sans cesse, ce qui s'explique sans doute par l'histoire riche et tumultueuse de la Russie. Le mythe de la femme russe est né avec la première vague d'immigration russe en Europe qui a commencé après la révolution de 1917. Les princesses et les aristocrates russes, sublimes, raffinées, déracinées et désespérées ont été, paraît-il, une menace de taille pour un nombre considérable de ménages catholiques. Viennent ensuite les années soviétiques, les années du rideau de fer, les années où il était aussi difficile d'entrer en URSS que d'en sortir. Et comme toujours tout ce qui est caché fait travailler l'imagination. Les femmes russes ne font pas figure d'exception. Souvent imaginées et dépeintes comme des créatures grosses, grotesques et mal habillées (sinon pourquoi on les cacherait, n'est-ce pas?). Tout change avec le premier concours de beauté officiel de l'Union Soviétique. Le concours s'appelait "Beauté moscovite 1988". Une écolière de 16 ans, Masha Kalinina, une belle brune, grande et fine, gagne la première couronne de reine de beauté soviétique et devient aussi célèbre que Yuri Gagarine. Masha a fait le tour du monde, a été reçue par tous les présidents imaginables, comme le symbole du changement de l'URSS, et vit aujourd'hui en Amérique. Le rideau de fer n'existe plus. A partir de ce moment certains hommes en quête d'une épouse belle, docile et pas très exigeante commencent à étudier de près la Russie et quelques anciennes républiques de l'Union Soviétique (l'Ukraine, par exemple). C'est le boum des agences matrimoniales spécialisées sur les femmes slaves. Le stéréotype de la femme russe évolue: les belles slaves sont perçues comme un butin, un gibier facile. Seulement cela ne dure pas longtemps. Les heureux nouveaux époux occidentaux se cassent les dents contre le caractère dur de leurs nouvelles épouses slaves. Et oui! Les femmes élevées à la dure dans un pays dur sont tout sauf dociles. Les mariages mixtes heureux existent , mais il faut dire que les motivations des deux parties étaient honnêtes dès le début, personne n'a été regardé comme un butin, sinon ça ne marche pas. Les époux éconduits ont largement contribué au nouveau changement de l'image internationale des femmes russes, perçues désormais comme des prédatrices. C' est naïf de croire qu'une femme russe, qui épouse un européen, cherche à améliorer son standing. La Russie n'est plus un pays pauvre, au contraire, c'est un pays en pleine expansion économique. Aujourd'hui c'est beaucoup plus facile de faire un mariage d'intérêt en Russie, car n'importe quel homme d'affaire russe a un standing plus élevé qu'un cadre français par exemple. Alors pourquoi certaines femmes russes épousent des étrangers? Par amour, pardi!

Je traîne tous ces stéréotypes dans mon sillage depuis des années, le plus drôle c'est que je ne suis même pas russe, génétiquement parlant. Je voudrais finir ce billet par une citation de Diana Vreeland: "Now we comme to les Russes. There's nothing better-looking than a good-looking Russian woman." Dommage que je ne sois pas russe!

7 commentaires:

Anonyme a dit…

En effet, les stéréotypes ont la dent dure, et en général, les gens aiment les idées toutes faites qui leur économisent l'effort de la réflexion.
Si de surcroît, le stéréotype peut leur donner (à eux, grand penseurs !) le beau rôle, les mettre en valeur, c'est le jackpot !
Comme toi, je lutte( contre d'autres idées toutes faites, bien pré-mâchées voire prédigérées) c'est à la fois fatigant, et drôle.
Je pense que ça ne cessera jamais.

Béatrice

Aurelie Milan a dit…

Adelina, vivant en Italie et cotoyant quotidiennement toutes nationalités, je dois dire que j'ai tout de même connu personnellement des russes très prédatrices et sans scrupule prêtes à tout... après il ne faut pas généraliser c'est comme partout ;)

Adelina a dit…

Béatrice je pense aussi que ça ne cessera jamais. Mais ça me fait rire.


Aurélie, bien sûr qu'il y a des prédatrices chez les russes, comme chez les françaises,les américaines etc. Perso je préfère cette image de prédatrice que de "gibier facile". J'ai eu droit à deux attitudes complètement différentes. Il y a quelques années quand je disais que je venais de Russie, j'étais surprise par cette lueur prédatrice qui apparaissait dans les yeux de certains hommes, on pouvait presque lire dans leur pensées: "Une russe, ça sera facile." Je suis ravie qu'ils aient été soignés au fer rouge. Et je dois avouer je suis beaucoup plus tranquille aujourd'hui, parce que le stéréotype de le femme russe a changé complètement et fait peur à certains zommes en quête de facilité.

Anonyme a dit…

C'est tellement vrai ! Etant à la fois russe et italienne je vis l'expérience de deux stéréotypes en même temps. Entre la russe prédatrice et l'italienne maternelle (cf. Monica Bellucci dans l'imaginaire français) je devrais bien avoir des personnalités multiples si tous ces stéréotypes étaient vrais...

Y.

PS A propos de stéréotypes dans la mode, en arrivant à paris j'ai mis de côté toutes mes robes colorées "à l'italienne" pour ne pas détonner dans la triade noir-gris-beige parisienne. Mais j'aimerais bien apprendre à maitriser la couleur. Si vous pouvez un jour faire un billet sur comment s'habiller en couleurs à paris je vous serai très reconnaissante !

merci pour votre blog

Claire a dit…

C'est très intéressant. Je suis bien sûre au courant de la réputation qui poursuit les femmes russes, mais je n'en connaissais pas la raison. En effet, ça doit être à la fois fatigant et amusant. Mais ça doit être exaspérant de voir les gens remettre en question les motivations de son couple en permanence. J'imagine très bien les regards désapprobateurs. Un ami à moi s'est marié récemment avec un jeune femme russe kalmouke, et beaucoup de gens ont pensé : "c'est pour le visa et l'argent", alors qu'ils s'aiment depuis 3 ans. Ca doit être très blessant de percevoir ça.

Ceci dit, je suis à moitié blege (quel exotisme !) et on se traine une réputation de simplets mangeurs de frites en France. De même que les Portugaises sont réputées être toutes moustachues... Prédatrice, c'est quand même plus chic!

ithaa a dit…

Ah les stéréotypes et les préjugés font toujours bon ménage chez certains petits esprits.
il y a des prédatrices sans scrupules chez les russes comme chez les autres nationalités. Les russes ont juste plus de succès que d'autres parce qu'elles sont les plus belles.

Adelina a dit…

Yulia ça doit être encore plus amusant d'être confrontée en même temps à deux stéréotypes opposés. J'ai du mal aussi avec les couleur depuis que je vis en France. Dans le midi c'est plus facile de porter des couleurs avec le soleil et le ciel bleu, mais dans la grisaille parisienne je porte souvent du noir ou du gris.

Claire ce n'est pas vraiment blessant mais au début je me mettais en colère quand quelques belles âmes faisaient des insinuations"romantiques" , parce que cela ne le regarde pas tout simplement. Maintenant cela ne me fait ni chaud ni froid. Et après tout c'est vrai que "prédatrice" n'est pas le stéréotype le plus désagréable :lol:

Ithaa que les petits esprits gardent leur préjugés, si ça les rassure et ça peut les rendre moins aigris :lol: