dimanche 25 octobre 2009

Burlesque

Le mot « burlesque » est un magnifique exemple de lien réciproque entre la forme et le contenu. Je prononce ce mot en articulant bien tous les sons avec une bouche au contour bien dessiné et mise en valeur par un rouge à lèvres écarlate : « BUR- LES-QUE ». Les consonnes et les voyelles d’origine italienne (« burla » se traduit comme « farce, plaisanterie ») transforment l’air ambiant en écrin de la dérision, de la séduction , d’un drame comique ou de la farce tragique. L’art du burlesque est indissociable de l’humour et du recul par rapport à la tragicomédie humaine.

Le burlesque ne laisse pas indifférent. On peut le désapprouver, l’adorer, mais on ne peut pas l’ignorer. C’est un art qui transgresse les codes et les règles classiques, qui va droit au but sans respecter l’ordre des choses établi. On croise dans le Panthéon du burlesque les fausses grandes moustaches et le regard hilare derrière des lunettes rondes de Groucho Marx et le teint de porcelaine, les yeux de biche et la bouche rouge de Bettie Page.

Le burlesque a fait irruption dans ma vie assez tôt. Le premier Noël dont je me souviens a été accompagné de mes fous rires à la vue de mon oncle Serguéi, qui a mis une barbe blanche, un bonnet ridicule et un nez rouge. Viennent ensuite les souvenirs des parades du mois de novembre (le 7 novembre précisément) dans le pays communiste de mon enfance. Les parades accompagnées de ballons multicolores et de drapeaux rouges. Je me souviens avec une tendresse ironique des miliciens qui empêchaient les manifestants de s’échapper plus tôt que le Partie ne l’avait décidé. Le pays de mon enfance n’existe plus, mais je garde précieusement mon premier passeport qui porte les symboles de la grande farce tragique qui a duré 70 ans et qui confirme fièrement que j’étais la citoyenne de l’Union Soviétique. Le burlesque n’a pas quitté ma vie, loin de là. La dérision est devenue la partie intégrante de mon être. Nonobstant les efforts vaillants des idéologues marxistes de mon école je suis devenue une grouchomarxiste convaincue. Je piétine les pavés du quotidien, perchée sur des hauts talons et je n’oublie jamais mon rouge à lèvres coordonné avec la semelle des escarpins vertigineux de Christian Louboutin. Parfois il suffit de changer légèrement de point de vue, reculer un peu pour admirer la magie du quotidien dans toute sa splendeur et prononcer en articulant bien toutes les syllabes : « BUR-LES-QUE ».

Les plus grandes bêtises sont faites avec un visage sérieux, a dit Antoine de Saint Exupéry. Comme je suis d’accord avec lui ! Je fuis le sérieux, je fuis la tristesse. Le jour ou je vais quitter ce monde absurde, je voudrais que mon départ soit constaté par un médecin joyeux aux grandes moustaches : « Ou cette femme est morte, ou ma montre est arrêtée. »(Groucho Marx).

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Rien à voir avec le burlesque mais je profite de ton allusion à ton premier passeport pour te poser une question : quelle est la nationalité inscrite sur le passeport actuel d'une personne née à Riga pendant l'ère soviétique ?

Vertiginoso a dit…

Mmmh En fait je suis toujours extrêmement sensible à cette question de l'adéquation entre la résonance mélodique et la signification d'un Mot : je pense qu'il y a toujours une intime imbrication entre le fond et la forme, que les Mots participent aussi, en eux-mêmes, à l'élaboration, au raffinement d'une Pensée, d'une argumentation (AAaaah ET si en plus tu y ajoutes la forme stylistique avec escarpins "Louboutin semelles rouge sang/incandescent", le "Burlesque" se fait d'autant plus séduisant que fétichisant !!!) . . .
ps: Vraiment Très Heureux que cet extrait t'ai plu !!!

à Bientôt, Antoine

carobine a dit…

Superbe article qui tombe à point nommé à un moment où un aspect du burlesque devient à la mode...c'est bien d'en rappeler la définition! Merci

Adelina a dit…

Antoine, je suis fascinée par les mots. Toutes les civilisations sont nées avec la parole. C'est assez étonnant de découvrir les liens entre les langues et les civilisations, quand on commence à apprendre des langues étrangères.

Carobine, effectivement le burlesque revient à la mode grâce à Dita von Teese notamment. C'est curieux de constater que pour pas mal de jeunes gens d'aujourd'hui le burlesque est indissociable de la séduction, des plumes et des paillettes (merci Dita). Pour moi le Burlesque c'est surtout l'humour et la dérision.

Anonyme, je ne peux pas vous répondre. Je ne connais personne de Riga. Désolée.

Claire a dit…

Je ne connaissais également le burlesque qu'à travers Dita von Teese... Je vais mieux me renseigner maintenant. En tous cas j'aime ta façon de prendre la vie "à la légère". Je vois toute la journée les mines renfrognées de gens qui court après la carrière, le temps, l'argent... Parfois je suis comme eux, mais de plus en plus souvent je me dis que tout cela est absurde.

PS : je viens d'acheter "Ivresse de la Métamorphose" et je ne le lâche plus !

Adelina a dit…

Claire, je préfère rester spectateur et ne pas descendre dans l'arène pour sauter et donner des coups avec d'autres clowns. :lol: C'est salutaire de garder la distance.

PS:ce livre est superbe!

Adelina a dit…

Dita Von Teese , Gentry de Paris etc, ça s'appelle actuellement le néo-burlesque...